MIRANDUM

 
 


L'Initiation chrétienne
 

Beaucoup de chrétiens se demandent s'il est nécessaire de comprendre les vérités que nous propose l'Evangile ou si la foi suffit ?
"On peut parfaitement adhérer à la foi sur la seule considération de la sublimité de la vérité chrétienne" nous répond St Thomas d'Aquin.
Cela ne veut toutefois pas dire qu'il n'est pas utile de permettre à la foi de s'enraciner dans l'intelligence. C'est en tout cas la voie que choisissent de plus en plus de chrétiens qui souhaitent raffermir leur croyance en l'appuyant sur des fondations stables.

1. La réalité de l'esprit

Si Dieu nous semble parfois loin ou même irréel, c'est parce que nous vivons dans un monde qui tient trop peu compte des réalités spirituelles. Notre vue du monde se limite souvent au matériel au point que nous considérons parfois que l'esprit et la matière sont deux réalités séparées.

Pourtant, si la pierre appartient au monde matériel, ce n'est pas le monde matériel qui a produit spontanément l'idée d'une pierre et cette idée ne s'identifie à aucune pierre en particulier. Du monde de l'abstraction à celui de l'esprit il n'y a qu'un pas. Une approche de la notion de beau, par exemple, nous permettra de réaliser ce passage. La statue grecque, issue d’une pierre, arrivera à impressionner par sa beauté tout en dominant le désir : elle est une image du lien entre l'esprit et la matière ; elle est aussi un exemple de la supériorité de l'esprit sur cette matière et sur les passions qui nous y attachent.

L'homme moderne, bien qu'enlisé dans la matière, retrouve un peu partout des indices d'une réalité supérieure, principalement à travers ses expériences. Peut-être est-ce dû à ce que certains appellent l'intuition du spirituel, qui demeure présente même dans l'être le plus matérialiste.
Car l'esprit n'est pas une partie de nous-mêmes à côté de notre corps. Il est cette unité supérieure et pourtant partout présente, cette conscience qui unit intelligence et volonté.
C'est plus particulièrement à cette unité supérieure que s'adresse l'initiation chrétienne.

2. La découverte de Dieu

L'expérience et la réflexion nous permettent de prendre progressivement conscience de la réalité de l'esprit. Et nous n'aurions pas pu redécouvrir l'esprit s'il n'avait pas été là dès le début. Il en est de même pour la découverte de Dieu, qui est l'approfondissement ultime de la découverte de l'esprit.
Mais une approche purement intellectuelle restera stérile si elle ne comporte pas également l'expérience de nos relations avec autrui, fondement de toute démarche authentiquement chrétienne.
Le scepticisme religieux n'est pas un signe de maturité ; c’est plutôt celui d'une civilisation qui vit sur sa lancée, juste avant de se décomposer ou de se transformer.
Un signe qui ne trompe pas est que la superstition l'accompagne toujours.

Les meilleurs clients des astrologues, devins, tireuses de cartes et pseudo-mages se rencontrent souvent parmi les gens qui se trouvent trop évolués pour croire encore au Christ. Contrairement aux idées reçues, la croyance aux sortilèges s'est multipliée bien plus à la Renaissance, période de montée de la pensée sceptique et matérialiste, qu'au Moyen-âge chrétien, période de foi mystique.
Lorsque le sens du sacré, qui est fondamental à l'esprit humain, ne peut s'épanouir dans la découverte de Dieu, l'homme cherche des satisfactions occultes dans la magie, les sectes ou les pratiques superstitieuses.

Sur la base profonde de l'expérience religieuse qu'apporte l'initiation chrétienne, le croyant découvre au contraire que Dieu, comme la réalité de l'esprit en nous-mêmes, ne se trouve pas seulement hors du monde - il n'est pas seulement transcendant - mais bien au coeur du monde et de nos expériences et qu'il est donc également immanent.
Cette existence de Dieu comme le seul être nécessaire, est mise en évidence par ce qu'on nomme la contingence du monde, c’est-à-dire qu'aucun objet de notre expérience ne porte en lui-même la raison suffisante de son existence.

3. La parole divine

Mais il existe une autre voie que celle de l'homme vers Dieu: c'est la voie de Dieu vers l'homme. Ce que nous annonce l'Evangile (la "bonne nouvelle") est que Dieu a parlé aux hommes et qu'il leur parle toujours. Et même que sa Parole s'est faite chair, non seulement pour nous éclairer, mais même pour nous transformer.

Pour la pensée platonicienne, l'âme, pure en elle-même, voire divine, est tombée dans le bourbier que sont la matière et le corps. D'où le jeu de mots sôma-corps et sêma-tombeau, disant que le corps est un tombeau pour l'âme. Pour l'Evangile, la chute est une rébellion contre la volonté aimante du Créateur.
C'est l'âme qui a entraîné le corps en s'y enfermant loin de Dieu.

Mais l'Evangile ne se contente pas d'éclairer le mal et de percer le mystère d'une réalité qui nous trouble. Il se propose de vaincre le mal et nous annonce que la réalité peut être transformée. Le Dieu créateur vient nous aider à porter un poids trop lourd pour nos épaules. Il vient à la fois "porter" et "ôter" ce poids, suivant le mot à double sens de St Jean-Baptiste: "ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccata mundi", "voici l'Agneau de Dieu, voici celui qui porte - ou qui ôte - les péchés du monde".

Au problème de la création et du mal, la Révélation n'apporte pas la réponse d'une théorie, une de plus dirions-nous; elle apporte un fait : Dieu lui-même, venant prendre la place de l'homme, qui souffre, meurt puis ressuscite. La chute de l'homme, assumée par Dieu, devient le point de départ de l'homme nouveau, véritable enfant de Dieu, en qui les puissances du mal sont vaincues.

Le miracle chrétien, c'est avant tout la résurrection du Christ, inséparable de l'apparition d'une humanité nouvelle. La pénétration dans le secret des coeurs, la vertu de guérison, la transfiguration du monde matériel parfois esquissée autour des saints, sont les traces d'une pensée créatrice qui, à travers le coeur de l'homme, agit sur le monde pour le transformer.

Mais les saints eux-mêmes affirment que leur sainteté est une grâce de Dieu. Ils l'ont reçue du Christ, par sa Parole, qui agit en nous à travers les sacrements et en particulier l'Eucharistie. L'Eucharistie est en effet le sacrement par lequel la Présence reste toujours actuelle et agissante parmi nous et en nous.

L'adhésion à la foi chrétienne est un engagement de l'être tout entier. Elle est l'entrée dans la "communion des saints" par la participation aux réalités de la Parole et des sacrements. Cette entrée constitue une véritable initiation.

4. L'initiation chrétienne

L'initiation chrétienne des origines consistait d'abord en une participation du candidat au Carême, qui lui servait de préparation, suivi de l'admission au baptème et à la confirmation, et enfin à la célébration eucharistique.
Nous allons donc examiner successivement les trois étapes essentielles qui marquent l'initiation chrétienne: le Baptème, la Confirmation et l'Eucharistie.

La Bible et sa méditation seront évidemment les clefs qui vont nous permettre de comprendre le sens profond de la liturgie et des rites qui l'accompagnent. La Parole divine affirme, en effet, que l'origine du mal n'est pas dans une réalité mauvaise qui serait la matière. Au contraire, tout ce qui est a été créé par Dieu et est donc foncièrement bon. L'origine du mal est spirituelle: elle est dans la désobéissance de l'esprit créé. Chaque mal particulier n'est donc pas la suite immédiate d'une faute précise et ne doit pas être ressenti comme une punition en soi.
La vraie nature du péché de l'homme est une captivité.
C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il faut interpréter les fers de prisonniers exposés comme ex-voto dans certains lieux de pèlerinage : ils témoignent symboliquement d'une libération de captivité, d'une guérison de l'âme.

L'initiation chrétienne nous révèle notre vraie situation: nous sommes l'enjeu de la lutte que le Christ mène pour nous; sommes-nous prêts à en faire notre lutte ?
C'est pourquoi, s'initier à la foi chrétienne, c'est prendre la Croix, au sens que les Croisés donnaient à l'expression. C'est s'engager, muni des armes appropriées, dans cette lutte dont la récompense est notre liberté véritable et, avec elle, la libération de tout cet univers où nous sommes incarnés. C'est une nouvelle naissance comme temple de l'Esprit, parce que corps vivant du Christ, comme il est dit par St Paul: 

          "Ne savez-vous pas que vos corps sont des membres de Christ ?" 
                                                                                           (1 Co 6, 15) 

               "Ou ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint Esprit
          qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous 
          appartenez pas ?" 
                                                                                        (1 Co 6, 19)



4.1. Le Baptème

L'importance du baptème

Le baptème tient la première place parmi les sacrements institués par le Christ lui-même: 
          "Allez ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom
           du Père, et du Fils et du Saint-Esprit." 
                                                                                        (Mt 28, 19)

Le Christ a souligné cette importance primordiale dans son entretien avec Nicodème: 
          "En vérité, en vérité je te le dis: personne, à moins de naître de l'eau et
           de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu." 
                                                                                         (Jn 3, 5)

La présentation

La présentation est la première prise de possession par le Christ de l'âme du candidat. Trois rites initiaux marquent cette partie de la cérémonie:
- l'interrogation sur les intentions du candidat
- le signe de la croix, dont le prêtre marque celui-ci
- l'imposition des mains, en tant que prise de possession, et l'imposition du sel de sagesse, remède et aliment de régénération.

Le signe de la croix est ici l'élément essentiel : sa révélation permettait au candidat de retrouver à la fois sa verticale et son horizontale, sa hauteur et sa profondeur, et de se pénétrer du symbole de Celui qui a pris cette croix et a été crucufié sur elle pour relier le haut et le bas, la transcendance et l'immanence, le divin et l'humain.
Le cathéchumène passait tout un dimanche à étudier et à méditer ce symbole avant de continuer sa préparation par l'écoute des textes transmis par les apôtres.

Les exorcismes

Viennent ensuite les exorcismes, par lesquels l'Eglise arrache le catéchumène aux puissances du mal et lui rend la liberté des enfants de Dieu.
Celui-ci doit maintenant s'engager à lutter lui-même contre le mal.

La profession de foi

Comme Jésus guérit le sourd-muet (Mc 7, 32-35), l'évêque (aujourd'hui le prêtre) touche les oreilles du candidat en disant "ephphatha" qui signifie "ouvrez-vous !", puis touche ses narines en disant "odeur de suavité", allusion à "la bonne odeur du Christ" que mentionne St Paul.
La seconde épître aux Corinthiens (2 Co 2, 14 à 17) nous parle en effet de la parole de Dieu qu'il répand au cours de ses voyages comme un parfum, le parfum du Christ, qui va être reconnu par les uns et rejeté par les autres:

14      "Grâce soit à Dieu qui nous emmène toujours en triomphe dans le 
          Christ, et qui manifeste par nous en tout lieu le parfum de sa gnose.
          (St Paul utilise le terme "gnôsis", l'authentique connaissance 
          chrétienne, un des dons de l'Esprit Saint)
15      Car nous sommes la bonne odeur du Christ pour Dieu, parmi ceux qui
          se sauvent et parmi ceux qui se perdent;
16      Pour les uns, une odeur qui de la mort conduit à la mort, pour les 
          autres, une odeur qui de la vie conduit à la vie.
          Et de cela qui est capable ?

L'onction de l'huile des catéchumènes, sur la poitrine et entre les épaules, qui intervient à ce moment, lui donnera la force d'en haut, la force du Christ. Il ne sera pas simplement l'enjeu passif d'une lutte qui le dépasse, mais un combattant conscient et lucide.
Le candidat, tourné vers l'Occident, région des ténèbres et du froid de la mort, renonçait alors "à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres". Il se retournait ensuite vers l'Orient, région du soleil levant, pour adhérer à Jésus et professer sa foi.

 

Le baptème proprement dit

La matière indispensable du baptème est l'eau. L'Ancien Testament nous décrit à de nombreuses reprises le rôle de l'eau, porteuse de vie et de mort.
La vie et la fécondité apportées par l'eau se retrouvent, par exemple, dans la Genèse:
          "Un fleuve sortait d'Eden pour arroser le jardin et de là se divisait
          pour former quatre bras." 
                                                                                     (Gen 2, 10)

L'eau liée à la destruction et à la mort se retrouve bien évidemment dans le récit du déluge:
          "Et moi, voici que je vais faire venir sur la terre le déluge - les eaux -
          pour détruire de dessous le ciel toute chair qui a en elle souffle de vie;
          tout ce qui est sur la terre expirera." 
                                                                                      (Gen 6, 17)

Primitivement, le baptème s'accomplissait au coeur de la nuit de Pâques et servait d'introduction à la célébration de l'eucharistie pour les nouveaux chrétiens .
La liturgie de cette vigile pascale propose, en effet, par les étapes progressives de la Parole, d'atteindre la vérité ultime. Car c'est par l'imagination et le coeur, autant que par l'intelligence, que l'homme doit rencontrer le mystère.
Tout le cycle de l'année liturgique suit d'ailleurs cette approche en nous faisant chaque fois parcourir le déroulement du même mystère et en nous le révélant de nouveau.
Et si la compréhension que nous en avons s'en trouve modifiée, c'est probablement le signe d'une évolution de notre part sur le plan spirituel.

Après avoir écouté et médité les 12 lectures de la vigile, qui passent en revue l'histoire du salut, le catéchumène pouvait enfin exprimer son désir du baptème en connaissance de cause et s'approcher de la piscine sacrée.

Le catéchumène se dépouillait de ses vêtements et était immergé par 3 fois, au nom du Père, du Fils et de l'Esprit, dans les eaux baptismales et c'est un nouvel homme qui remontait de l'autre côté du baptistère. L'évêque lui faisait ensuite une onction avec le saint-chrême. Il pouvait alors recevoir avec des vêtements blancs, symbole de pûreté, un nouveau nom, preuve de sa renaissance, et un cierge allumé, symbole de la lumière de la résurrection.

Aujourd'hui, plus simplement, le prêtre verse à trois reprises l'eau sur la tête de l'enfant. Il lui fait ensuite une onction avec le saint-chrême et lui remet un vêtement blanc et un cierge allumé.

Le sens profond du baptème

La longue vigile nocturne qui précédait le baptème était un passage symbolique par les ténèbres et la mort, auquel succédait la renaissance du baptème, avant de participer à la résurrection du Christ à travers l'initiation suprême que constitue le mystère de l'eucharistie.
Cette vigile, composée de lectures bibliques et de leur méditation dans la prière, précisait la "conversion" (du latin "convertere", se retourner) c’est-à-dire la "ré-orientation" du candidat au baptème, soulignée par le fait qu'il se retournait vers l'Orient, après avoir renoncé à Satan.

Le Christ, auquel il adhérait alors, était salué comme le soleil levant qui dissipe les ténèbres du monde, accentuant ainsi le symbolisme du baptème comme passage des ténèbres à la lumière. Comme le retour du soleil, le chrétien attend le retour de Christ, mort et ressuscité une fois pour toutes, pour qu'il entraine la résurrection des croyants, morts au monde et aux ténèbres, et l'apparition d'un monde régénéré.

Ce sens profond de la vigile est clairement suggéré dans la cérémonie de la bénédiction de la lumière. Au sein de l'obscurité complète, le feu nouveau va être tiré de la pierre, symbole du Christ ressuscité sortant du tombeau. A ce feu seront ensuite allumés le cierge pascal puis tous les cierges tenus à la main par l'assemblée. C'est la grande bénédiction de la lumière de Pâques, victorieuse des ténèbres du monde.



Le diacre entonnait ensuite l'Exultet, le cantique à la lumière du Christ ressuscité. C'est l'annonce de la victoire du Christ qui appartient à tous ceux qui auront lutté avec lui, jusqu'à la mort, contre les puissances du mal.
Les perspectives qui nous sont rouvertes sont celles d'un monde tout entier régénéré dans le Christ, à partir d'une humanité restaurée intégralement donc tant dans son corps que dans son âme. C'est d'ailleurs, à côté de la signification historique de l'inscription INRI ("Jesus Nazareum Rex Judeorum") un des sens symboliques de celle-ci: "Ignea Natura Renovatur Integra".

Le cierge pascal est salué comme un rappel de la colonne de feu qui guida et protégea les Israëlites, lors de la première Pâque, pour les faire sortir d'Egypte et passer la mer Rouge.
Dieu les a fait "passer" de l'esclavage à la liberté, des ténèbres de la mort à la lumière de la liberté et de la vie.

Littéralement, le "Rédempteur" est "celui qui délivre en rachetant de l'esclavage", "redemptio" signifiant "rachat" ou "paiement d'une rançon". L'exode de l'Ancien Testament annonce le véritable exode par lequel l'Homme-Dieu, dans sa mort et sa résurrection, est "passé" de ce monde à son Père.

La vraie Pâque est donc le mystère du Christ mort et ressuscité. C'est lui la colonne de lumière qui doit nous guider hors de la nuit d'Egypte, vers la terre promise. La Pâque, c'est notre "passage", à la suite du Christ, du péché à la grâce, des ténèbres de l'ignorance à la lumière de la foi, de la mort à la vie. Dans les eaux du baptème, c'est le "vieil homme" qui est englouti et nous en sortons comme nés de nouveau, pour entrer avec le Christ dans la terre promise, dans le royaume de Dieu dont nous sommes devenus héritiers.
Ce n'est pas une métaphore mais bien une réalité, comme nous le confirme St Paul:
          "Ainsi donc, si quelqu'un est en Christ, c'est une nouvelle création:
          ce qui est ancien a passé, voici qu'a paru du nouveau." 
                                                                                (2 Cor 5, 17)

          "Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs
          l'Esprit de son Fils, qui crie: "Abba ! Père !
          " De sorte que tu n'es plus esclave, mais fils, et si tu es fils, tu es 
          aussi héritier de par Dieu." 
                                                                                 (Ga 4, 6-7)

St Pierre va encore plus loin en précisant:
          "Par elles les précieuses et très grandes promesses nous ont été
           données, afin que par elles vous deveniez participants de la nature
           divine, ayant échappé à la corruption qui est dans le monde par la
           convoitise." 
                                                                                 (2 P 1, 4)



4.2. La Confirmation

A Pâques, Jésus ressuscite, revêtu de la puissance de l'Esprit ; à la Pentecôte, c'est cette puissance qui est manifestée extérieurement et qui entre en action.
Il en est de même pour la Confirmation : ce que nous avons reçu au baptème et qui est en nous comme en germe, se déploie par la confirmation et peut passer du stade virtuel à celui de la réalisation. C'est le chrétien qui passe au stade adulte de la foi.

La Confirmation est marquée par deux rites caractéristiques :
- l'onction d'huile parfumée et
- l'imposition des mains.
L'huile parfumée symbolise la "bonne odeur du Christ" dont parle Saint Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens (voir supra).
L'huile, chez les anciens, suggère l'abondance et la richesse, mais aussi la douceur et la paix. Le parfum qui l'agrémente lui donne son côté à la fois festif et précieux. Ce saint chrême est le baume de la joie et célèbre la beauté du sacerdoce royal.

Rappelons-nous en effet la parole de l'Apôtre Jean: 
          "A Celui qui nous a aimés et qui nous a lavés de nos péchés dans
          son sang, à Celui qui a fait de nous un sacerdoce royal pour Dieu
          son Père: à Lui soient la gloire et la puissance aux siècles des siècles !
          Amen." 
                                                                         (Apocalypse 1, 5-6)

Cette onction douce et pénétrante est réconfortante comme l'Esprit de Dieu et illustre l'action de l'Esprit. C'est pourquoi elle sera également utilisée comme réconfort dans le sacrement des malades.

L'onction royale est un rite originaire d'Egypte, qui se pratiquait également en Israël et en Canaan. Dans l'Ancienne Alliance, les prophètes, les prêtres et les rois étaient oints, ce qui leur donnait un caractère sacré ; ils recevaient ainsi la ratification de leur dignité et la consécration de leur charge et de leur mission.

          "L'Esprit du seigneur Yahvé est sur moi, parce que Yahvé m'a oint; 
          il m'a envoyé apporter aux humbles la bonne nouvelle, ... 
                                                                             (Isaïe 61, 1)

C'est l'onction divine qui faisait de Jésus l'"Oint du Seigneur", càd le Christ, et qui confirme que le chrétien, "baptisé dans le Christ, a revêtu le Christ" pour citer Saint Paul.

Revenons à la Confirmation : après l'onction, l'Evêque impose les mains au nouveau chrétien pour invoquer sur lui la descente de l'Esprit.
Cette imposition des mains est elle aussi riche en significations, puisqu'elle marque à la fois une transmission de pouvoir, une bénédiction, un geste de protection et un signe de reconnaisance. Cette fois, le néophyte est véritablement un nouveau Christ et l'Evêque lui donne le baiser de paix pour marquer son entrée dans la fraternité chrétienne.

Ce rite de la confirmation a pris naissance du temps même des Apôtres, ainsi qu'en témoignent les Actes des Apôtres:

15      "Une fois descendus, ceux-ci (Pierre et Jean) prièrent pour eux, 
          afin qu'ils reçoivent l'Esprit Saint.
16      Car il n'était encore tombé sur aucun d'eux; ils avaient seulement
          été baptisés au nom du Seigneur Jésus.
17       Alors (Pierre et Jean) posèrent les mains sur eux, et ils recevaient
          l'Esprit Saint." 
                                                                           (Ac 8, 15-17)

5       "A ces mots, ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus.
6       Et quand Paul eut posé les mains sur eux, l'Esprit Saint vint sur eux,
          et ils parlaient en langues et prophétisaient." 
                                                                           (Ac 19, 5-6)


La confirmation approfondit la grâce baptismale et la fait grandir. Elle nous enracine d'avantage dans la relation filiale vis-à-vis du Père.

15      "Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit de servitude pour retomber
          dans la crainte, mais vous avez reçu un esprit d'adoption filiale,
           par lequel nous crions: "Abba ! Père !".
16       L'Esprit lui-même témoigne avec notre esprit que nous sommes
           enfants de Dieu.
17      Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi hériters, héritiers 
          de Dieu et cohéritiers de Christ, s'il est vrai que nous souffrons
          avec lui pour être aussi glorifiés avec lui." 
                                                                         (Romains 8, 15-17)

Nous pouvons ainsi prendre mieux conscience du fait que nous sommes fils de Dieu et du même coup nous devenons davantage semblables à lui. Son image grandit en nous et ses pensées, sa volonté, ses sentiments deviennent les nôtres.
Nous devenons membres adultes de l'Eglise et nous pouvons nous affirmer les disciples du Christ. 

          "Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". 
                                                                           (Galates 2, 20)

Remarquons qu'à travers les siècles, c'est toujours l'évêque qui a conféré le sacrement de confirmation, assurant ainsi la continuité depuis les premiers Apôtres et établissant un lien personnel entre chaque chrétien et l'Eglise.



4.3. L'Eucharistie

Les néophytes, vêtus de blanc, parfumés d'huile sainte et tenant une lumière à la main, pouvaient maintenant participer à la messe de la résurrection.
A travers l'eucharistie, l'Eglise célèbre en effet tout le mystère du Christ, mort et ressuscité, et anticipe son retour glorieux et l'entrée définitive dans le royaume de Dieu.

L'Epître aux Colossiens qui est lue leur dévoilait le sens de la transformation qu'ils avaient subie:

          "Si vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez les choses d'en-haut,
          là où le Christ est assis à la droite de Dieu. Goûtez les choses d'en-haut
          et non celles qui sont sur la terre. Car vous êtes morts et votre vie est 
          cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra,
           alors vous aussi apparaîtrez avec lui dans la Gloire."

Après la lecture de l'Evangile de la Résurrection, alors qu'en tant que catéchumènes ils étaient invités à se retirer, ils sont maintenant invités à prendre part à l'offrande et à la célébration du mystère.

Ce mystère se présente comme un repas sacrificiel. Un repas composé de pain et de vin, symboles depuis la plus haute antiquité de l'union du ciel et de la terre.
Le blé a germé dans la terre et se nourrit de celle-ci autant que de l'action du soleil avant de mourir après avoir subi les transformations qui en font une des nourritures de base de l'homme. Quant au raisin, il a lui aussi puisé sa force dans la terre, mûri au soleil, puis subi des transformations pour devenir un breuvage synonyme de vie et de joie.
Ils sont le fruit de la fertilité de la terre, notre mère, de la bénédiction du ciel, notre père, et du travail de l'homme, càd de notre participation à l'oeuvre de la création.


Mais ce repas est aussi une offrande à Dieu, donc un sacrifice.
Les anciens sacrifiaient les prémices, c’est-à-dire le premier fruit de leur travail à Dieu ou aux dieux, selon les époques et les lieux. Dans la tradition juive, on retrouve le pain sans levain de la Pâque, rappel de la sortie d'Egypte, ou le pain du salut, comme la manne du désert qui sauva le peuple de la famine. Et à la fin du repas juif, il convient de bénir la coupe de vin en signe d'action de grâce. Le choix du pain et du vin par Jésus n'a donc pas surpris les apôtres rassemblés pour la dernière cène.

          "Prenez et mangez-en tous, car 
          Ceci est mon Corps; Trenez et
          buvez-en tous, car
          Ceci est mons Sang, 
          le sang de l'Alliance nouvelle et éternelle, le mystère de la foi, 
          qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés."

La participation est bien réelle, puisqu'à l'offertoire, nous présentons notre pain et notre vin, symboles de notre vie humaine livrée à Dieu dans le Christ.
Elle est ensuite action de grâce et de louange au Père, marquée par la prière d'oblation que couronne le "Sanctus".
Quant au coeur du sacrifice, il faut sans doute insister sur le fait qu'il n'est ni un souvenir pieux, ni une nouvelle mort : c'est un mémorial qui rend à nouveau présents la mort et la résurrection du Christ et qui nous y associe.


Le mystère, totalement incompréhensible pour un non-chrétien, c'est la présence réelle du Christ par la force de sa parole et de l'Esprit Saint. Rappelons en effet Matthieu 18, 20: 

          "Que deux ou trois soient réunis en mon Nom,
          Je suis là au milieu d'eux."

Notre offrande consacrée dans son sacrifice nous est rendue dans la communion, couronnement de l'eucharistie.
Nous y retrouvons ce que nous avons offert, devenu corps du Christ offert sur la Croix.
En le recevant en nous à la communion, nous devenons nous-même corps du Christ. 

          "Qui mange ma chair et boit mon sang,
          demeure en moi et moi en lui." 
                                                                             (Jean 6, 56)

Tous ceux qui le recoivent sont faits un seul corps, le corps du Christ tout entier offert au Père, tout entier vivifié par l'Esprit du Père, ainsi qu'il est dit dans l'Epître aux Corinthiens: 

          "Puisqu'il n'y a qu'un pain, à nous tous nous ne formons qu'un corps,
          car tous nous avons part à ce pain unique."

L'Eucharistie se termine sur l'espérance du retour au Père: 

          "Sous le voile des choses terrestres, nous sommes maintenant en
           communion avec Notre Seigneur Jésus-Christ, bientôt, nous le
           contemplerons à visage découvert et nous réjouissant dans Sa gloire,
           nous serons faits semblables à Lui.
           Alors, ses vrais disciples seront amenés par Lui avec une grande joie, 
           en la glorieuse présence du Père."

Cette réconciliation de tous opérée dans le corps du Christ achève le cycle qui va de la chute et de la dispersion dans la matière à la rencontre de tous dans le Christ pour former en Lui l'homme régénéré, libéré de la mort et du péché, glorifiant le Père dans le Christ par la vertu de l'Esprit.


5. Conclusion

La Parole de Dieu n'est pas la révélation de vérités abstraites : elle possède une vérité de vie car elle est l'acte de Dieu qui se donne. Dieu, Parole et Acte ne font qu'un, puisque tout a été créé par la Parole de Dieu. Jésus, Parole incarnée, s'est exprimé et réalisé dans le mystère de la Croix. Sa Parole vivante opère dans les sacrements que lui-même a institués et accomplit le mystère en nous. La Parole de l'Evangile prend des images empruntées à notre monde pour transformer notre expérience en une découverte progressive des choses divines.

A travers la réalité de la foi, l'eau fait de nous un homme neuf, l'huile nous imprègne de force et le pain devient un pain de vie. La Parole divine assure en effet notre foi que l'Esprit accompagnait l'eau pour que nous renaissions à la fois de l'eau et de l'Esprit, qu'il accompagnait l'huile pour devenir onction spirituelle et que le pain est devenu communion au Corps de Jésus-Christ.
Le contenu de la Parole de Dieu, c'est le Christ, dont le mystère est pleinement reconnu dans l'action de l'Eucharistie, le don qui nous recrée et nous donne de vivre en enfants de Dieu. Eucharistie signifie d'ailleurs "action de grâce", c’est-à-dire reconnaissance du don de Dieu que la Parole nous apporte et nous révèle. Renés au baptème et consacrés par l'onction de la confirmation, nous pouvons dans l'Eucharistie exercer notre sacerdoce royal.

Mais ne nous y trompons pas, la transformation n'est pas acquise par nos mérites : seule la grâce peut opérer cette transformation en nous. 
          "C'est Dieu", nous dit encore St Paul, "qui crée en nous le vouloir
          et le faire".

Non que nous puissions être passifs, mais au contraire, il faut que nous coopérions entièrement pour que la grâce soit ferment de notre régénération. Cette coopération, nous pouvons la démontrer dans notre vocation personnelle, à travers notre engagement dans la vie de tous les jours et notre insertion dans la communauté des hommes.

La fidélité de notre choix et la persévérance dans la voie de l'amour inconditionnel à la suite du Christ, promis à notre Baptème, renforcés par la Confirmation, trouveront un renouvellement incessant dans l'Eucharistie.

Ce ne sera pas facile tous les jours, nous le savons; c'est en cela que, nous aussi, nous avons une croix à assumer. Le christianisme n'a pas mis la Croix dans la vie des hommes : il l'y a trouvée. Mais ce qu'il a apporté de plus, c'est un sens donné à la Croix.

L'Evangile nous enseigne à faire de la Croix la voie de la résurrection. C'est ce qui distingue le chrétien de beaucoup de non-chrétiens, c'est qu'il a trouvé le moyen de rendre la croix vivifiante. La vie de tout chrétien a pour but ultime qu'il soit associé enfin à la grande Eucharistie, la remontée vers le Père, dans le Fils, par la vertu de l'Esprit répandu dans nos coeurs. C’est ce que certains appellent « la réintégration au plan divin ».

Amen.

Claude VG

Bibliographie:
Charles Bouyer: "l'initiation chrétienne"
Card. Danneels: "le jardin des sept sources"


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